Synthèse et rapport national 2018

L’objectif général du projet ECOSCOPA est de mutualiser et d’inscrire dans la durée les dispositifs d’observation actuel basés sur une trame d’écosystèmes côtiers hérités des projets RESCO et VELYGER et d’y ajouter progressivement de nouveaux indicateurs physiologiques et environnementaux d’intérêt pour l’huître creuse. Cet observatoire national fournit ainsi chaque année une analyse réactualisée de l’état général et des performances de l’huître creuse en lien avec les pressions environnementales pour chaque phase clés de son cycle de vie (croissance, reproduction, vie larvaire, recrutement, survie).
En termes pratiques, cet observatoire national propose les produits suivants :
• constitution de séries temporelles biologiques uniques permettant d’analyser l’effet de l’environnement hydro-climatique sur la biologie d’une espèce modèle en milieu marin (notion
d’invertébrés marins « sentinelles ») ;
• acquisition de données de référence sur l’état physiologique de l’huître creuse et l’état de santé global des populations dans des écosystèmes conchylicoles contrastés ;
• aide à la décision dans le cadre d'anomalies biologiques, de calamités agricoles, d'études d'impacts,
d’utilisation du DPM ;
• développement et validation de nouveaux marqueurs biologiques d’intérêt qui pourraient être mis en œuvre en routine dans l’observatoire ;
• socle national opérationnel et réactif de suivis standardisés sur lequel des études ponctuelles peuvent rapidement facilement être mises en œuvre.
En termes d’organisation, cet observatoire national est structuré en trois parties complémentaires : (1) le suivi des paramètres environnementaux côtiers (climatiques et hydrologiques) ; (2) le suivi standardisé des différentes étapes-clés du cycle de vie de l’huître (3) et le développement de nouveaux descripteurs environnementaux et/ou écophysiologiques pertinents pour le réseau.

Plus spécifiquement, pour l’année 2018, il ressort les faits marquants suivants. Sur le plan des facteurs environnementaux, l’année 2018 est la plus chaude sur notre territoire depuis 1900. Elle se caractérise, à l'exception d'une période froide en fin d'hiver, par des températures toujours au-dessus des normales sur la fin du printemps et quasiment tout au long de l'été. Pour autant, il ne s'agit pas d'une année sèche et le premier semestre présente plutôt des anomalies hydriques positives.

Au plan biologique, ces conditions hydro-climatiques générales ont eu comme principales répercutions : (1) une croissance printanière et une maturation dans les normales corrélativement à la concentration en phytoplancton, (2) une ponte principale précoce compte tenu des fortes anomalies thermiques positives en début d’été puis (3) un développement larvaire favorable. En conséquence, l’année 2018, à quelques exceptions près, se caractérise par un captage modéré à excellent s’échelonnant autour de 26 naissains/coupelle (Baie de Bourgneuf) à plus de 4000 naissains/coupelle pour le secteur Arcachon-Est. Certains secteurs présentent d'ailleurs les meilleurs scores enregistrés depuis quelques années (Rade de Brest, Bassin d'Arcachon, Seudre).
Sur le plan de la survie moyenne des populations (réseau RESCO), l'année 2018 s'est caractérisée par une mortalité plus élevée que les années précédentes sur le naissain avec un taux moyen de 69%, mais plus faible pour le 18 mois et le 30 mois, avec des valeurs moyennes respectives de 16 % et 13%.
Sur le long terme, le réseau VELYGER, a permis de cerner depuis 10 ans les grandes causes de variations du recrutement de l'huître creuse en France. Elles sont rappelées brièvement ici :
• Pour la Rade de Brest (mais aussi la Baie de Vilaine), le facteur limitant du recrutement réside
principalement dans la température estivale, une température de l’eau supérieure à 21°C en août assure un recrutement fort.
• Pour la Baie de Bourgneuf, ce constat est aussi valable, mais ce site présente en outre des temps de
résidence des masses d’eau assez courts, ce qui augmente les risques de dispersion larvaire et de faible recrutement en cas de conditions hydroclimatiques défavorables.
• A l’inverse, les Pertuis Charentais, et surtout le secteur Charente, bénéficie d’une circulation
hydrodynamique favorable à la rétention des larves et le recrutement y est généralement modéré. Les bancs sauvages situés en amont, plus au nord, sont à préserver.
• Pour le Bassin d’Arcachon, la fécondité plus restreinte, le décalage progressif de la date de ponte, une évolution dans la localisation des bancs de géniteurs, des pressions anthropiques accrues font partie des causes avancées pour expliquer l'augmentation de la variabilité du recrutement. Dans cette configuration actuelle, seuls les étés chaud garantissent un bon recrutement.
• Pour la Lagune de Thau, bien que la fécondité soit faible (en lien avec une faible concentration en phytoplancton), les températures estivales et les temps de résidence des masses d’eau très élevés garantissent de très fortes abondances larvaires. Le succès du recrutement reste lié, dans cet écosystème sans marée, à l’optimisation des pratiques zootechniques nécessairement spécifiques.

En complément, à l'occasion des 10 ans du réseau RESCO, une étude spécifique sur la relation entre la diversité phytoplanctonique et la croissance de l'huître a permis d’identifier des taxons susceptibles d’influencer positivement ou négativement la croissance. Les résultats montrent l’influence positive des diatomées (Skeletonema, Cerataulina et Pseudo-nitzschia). Mais dans certains cas, certaines espèces (e.g. genre Chaetoceros) ont un rôle tout à fait particulier puisqu’au-dessus d'un seuil, elles sont associées avec des croissances plus faibles. A l’inverse, la simple présence de certains taxons est associée à des taux de croissance plus faibles : des espèces de la famille des Leptocylindraceae et des Gymnodiniaceae ainsi que le genre Alexandrium spp (famille des Gonyaulacaceae. Dans un contexte de changement climatique susceptible d’engendrer des modifications des assemblages phytoplanctoniques et de leur phénologie, les conséquences pourraient être importantes vis-à-vis de l’huître si certains genres étaient amenés à disparaître ou d'autres à se généraliser. Ce type d'analyses sera poursuivie l'an prochain.

Le rapport national 2018 est téléchargeable ici :